Catalogues

Directeur artistique et commissaire d’exposition, Nicolas Charlet s’est fortement impliqué dans les années 2000 sur la problématique de l’art numérique. Ses expositions à Pau et Bordeaux, saluées par Télérama, Le Monde et Libération, ont marqué une rupture avec la fascination technologique de cette période qui a vu naître la mise en réseau, l’art immersif, l’interactivité et les objets connectés. Nicolas Charlet a établi un dialogue entre art numérique et histoire de l’art, entre experts et grand public, entre art et littérature, enfin entre création et économie à travers le mécénat.    

Catalogue d'exposition Acces(s), dirigé par Nicolas Charlet

accès(s) #10 - Lumière

Festival accès(s) #10, une édition anniversaire et une programmation dédiée à la lumière. Commissaire d’exposition : Nicolas Charlet.

accès(s) #09 - Le Temps

Festival accès(s) #09, Le temps, Co-production accès(s) et Le Fresnoy-Studio national des arts contemporains de Tourcoing. Commissaire d’exposition : Nicolas Charlet avec la collaboration d’Alain Fleischer.

Catalogue du festival Acces(s) #09. Commissaire d'exposition : Nicolas Charlet
Catalogue du festival d'arts trans atlantique. Commissariat d'exposition : Nicolas Charlet

Transe atlantique

Festival d’arts numériques transe atlantique, Pau/Bordeaux, co-production accès(s) et Présence Capitale. Commissaire d’exposition : Nicolas Charlet et André Lombardo.

accès(s) #07 - Eau et gaz à tous les étages

Festival accès(s) #07, Eau et gaz à tous les étages. Commissaire d’exposition : Nicolas Charlet.

Catalogue d'exposition du festival Accès(s) 2005. Commissariat d'exposition : Nicolas Charlet

accès(s) #05 - Prière de toucher

Festival accès(s) 05, Prière de toucher. Commissaire d’exposition : Nicolas Charlet.

Jean-Claude Van Blime

Jean-Claude Van Blime aime la vie et ça se voit. Je devrais dire ça s’entend. Claudel évoquait à juste titre cet œil qui écoute, l’œil intérieur qui voit et rend visible la musique intérieure. L’œuvre de Jean-Claude Van Blime, une exploration picturale de la matière en gestation, puise sa force dans la vie en soi…

Couleur visions

Catalogue d’exposition Viallat-Pancino-Léonardi-Bracaval-Bellegarde-Aubertin-Amann-Weinhold-Baudry, Espace culturel de La Baule, juin 2003.

Catalogue d'exposition Acces(s), dirigé par Nicolas Charlet

Entrez dans la lumière - accès(s) #10

Catalogue d’exposition, 2010

Le dixième festival accès(s) célèbre le lumière. Après dix ans d’existence, ce festival anniversaire réaffirme plus que jamais son engagement pour la création d’aujourd’hui dans un esprit de dialogue avec tous les publics. Ensemble, nous voulons penser et construire le monde de demain, un espace temps éclaté, métissage de cultures, d’histoires et de technologies. Les arts numériques ne font pas table rase du passé et des richesses culturelles de notre civilisation plurielle. L’aventure de la création à l’ère du multimédia apporte un éclairage sur le monde. Un regard éclairant sur la société de la communication globale organisée en réseau.

La lumière comme fil conducteur d’un festival anniversaire… Les artistes d’aujourd’hui nous invitent à entrer dans la lumière. À en faire l’expérience. Avec le corps, le coeur et l’esprit. 

La lumière est le nerf de l’histoire de l’art. Elle est l’interface entre nous et le monde, notre corps voyant et la matière visible. Depuis la nuit des temps, la lumière est l’objet d’une formidable constellation des théories, des spéculations, de mythes. Parce qu’elle est immatérielle, elle fascine. La cathédrale gothique traversée de couleurs par ces immenses vitraux était le signe d’une autre lumière, invisible et spirituelle. Au fil du temps, la lumière irréelle et métaphorique dans l’art classique, a fait place à une lumière bien réelle, substantielle, dans l’art du XIXème siècle, avec les progrès de l’optique et de la science de la vision. Les impressionnistes en ont peint les moindres nuances ; la photographie, empreinte lumineuse, en a révélé le corps. 

Au début du XXème siècle, les constructivistes russes et les futuristes italiens iront jusqu’à sculpter la lumière, à l’image du fameux Modulateur-Lumière Espace de Moholy-Nagy. Avec les futuristes, la désacralisation suivra le chemin du modernisme. La lumière sera artificielle, fluorescente, diffractée. L’art cinétique des années cinquante est le temps de la maîtrise de cette impondérable soumis à toute sorte de modulation, transformation. Depuis, Dan Flavin dessine dans l’espace avec de la lumière (le néon) tandis que le sculpteur James Turrell lui donne chair, en fait le lieu de la couleur. 

Aujourd’hui, la lumière est au coeur de la création numérique. Dans notre civilisation de l’image, les artistes voient désormais le monde ne terme de flux. Bill Viola et Thierry Kuntzel ont ouvert la voie. La lumière, par delà l’image est onde, flux, énergie. L’image et le son, vécus comme des champs énergétiques, tendant à abolir les frontières entre la réalité et la virtualité. L’image numérique appelle le corps augmenté, et la lumière virtuelle ouvre d’autres dimensions de l’imaginaire. Hier on opposait encore le monde réel et l’image de synthèse, le cinéma et la 3D ; à présent, réalité et virtualité cohabitent dans notre quotidien. 

Le 10ème festivale accès(s) célèbre la lumière (plurielle) de notre temps : intimement liée aux sons par sa nature ondulatoire, mi réelle mi surnaturelle, parfaitement maîtrisée par l’outil informatique, toujours source de rêverie et d’émerveillement. Lumière diffractée d’un mobile translucide figurant un son, lumière irréelle sortant des yeux d’un enfant pour éclairer un monde lunaire, mur de lumière rouge incandescent pulsé par une ambiance sonore industrielle, lumière couleur d’un paysage impressionné par la chaleur, le mouvement, la vie intérieure. 

L’image qui me vient à l’esprit est celle de la luciole. Présence immanente, fragile, minuscule et mouvante. La luciole apparait et disparaît, à l’image du souvenir d’un rêve. On croyait les lucioles disparues. La survivance des lucioles, comme l’écrit Didi Huberman n’est pas un miracle, elle est le signe d’un espoir, d’une possible résistance. Dans un monde aveuglé par les lumières de la guerre et de la consommation, il reste malgré tout quelque chose qui résiste, quelque chose qui n’apparait que dans la nuit, les lucioles qui survivent, malgré tout. 

Catalogue du festival Acces(s) #09. Commissaire d'exposition : Nicolas Charlet

Le temps - Accès(s) #09

Catalogue d’exposition, 2009

L’édition 2009 du festival acces(s), du 12 novembre au 25 décembre, fait le pari de la durée, de la diversité et de l’éclatement géographique dans l’agglomération de Pau, plus quelques détours par la Gironde, avec des expositions multimédia (sélection Le Fresnoy au Pôle Culturel intercommunal), une projection nomade dans la ville (Daltex), des installations sonores de robots (Arno Fabre au Musée des Beaux-Arts), une soirée de concerts electro-rock (Cercueil et Joakim and the disco), l’édition d’un livre d’artistes (Claire Morel et Franck Ancel, avec le réseau des médiathèques de l’agglomèration paloise), la mise en vibration du funiculaire et de trois lieux emblématiques en Aquitaine (Corpus – Résidence de l’OARA – Théâtre Molière, Bordeaux), des soirées vidéos au cinéma le Méliès (avec onedotzero, Londres), des ateliers de sensibilisation (MJC Berlioz), un workshop (ESAC), des rencontres, le festival acces(s) s’ouvre à tous, petits ou grands, aficionados ou simple curieux. 

Neuvième édition d’un festival d’arts numériques qui s’est taillé une réputation nationale, acces(s) 09 explore notre relation au temps dans une ville qui a fait le pari du numérique, à un moment de notre histoire ou nous ne parvenons justement plus à prendre le temps… Difficile de débrancher son portable, d’éteindre ordinateur, pod et console de jeu pour le plaisir d’un instant de silence, de solitude. Artistes et intellectuels nous aident à relever le défi majeur de notre époque : se réapproprier le temps pour vivre ensemble dans des espaces éclatés.

À travers cette réflexion, Pau ville numérique peut faire sens. L’équipement en Très-Haut-Débit, initiative pionnière dans le sud ouest de la France, nous incite à penser le monde de demain, une planète-réseau, un réseau planétaire. Depuis 9 ans, le festival acces(s) interroge, à Pau étendu à sa périphérie, ce monde interconnecté où le lien social se délite, où le temps manque pour vivre réellement en société. De la rencontre avec des artistes et avec les oeuvres, faisons le pari qu’une étincelle peut naître. Si l’expérimentation dérange parfois, le festival acces(s) reste un temps de partage et de découverte. 

Cette année, accè(s) s’est associé à trois grands partenaires, l’OARA – Office Artistique de la Région Aquitaine, le Fresnoy – Studio national des arts contemporains de Tourcoing, plateforme internationale de l’art numérique en France, le festival londonien onedotzero, l’une des principales manifestations de vidéos numériques en Europe. À l’avenir, d’autres grands partenaires devraient rejoindre accès(s) qui fêtera ses 10 ans en 2010 avec un festival anniversaire !

Catalogue du festival d'arts trans atlantique. Commissariat d'exposition : Nicolas Charlet

Transe atlantique - accès(s)

Catalogue d’exposition, 2008

TRANSE ATLANTIQUE est une nouvelle manifestation d’art numérique et d’art sonore en Aquitaine née de la coalition des associations ACCÈS(s) à Pau et PRÉSENCE CAPITALE à Bordeaux. Le festival accès(s) et le Symposium Présence Capitale deviennent TRANSE ATLANTIQUE, un parcours d’art contemporain dans la région Aquitaine. L’événement commence à Pau et se poursuit à Bordeaux.

Nous rassemblons nos forces pour vous proposer une manifestation trans-média de grande envergure. Ce parcours en deux temps est une tentative d’élargir le champ d’action du festival trop souvent limité à une ville. A l’ère de la mondialisation des échanges, nous faisons résolument le choix de l’union et de l’ouverture.

Ensemble, nous explorons durant cette première édition de TRANSE ATLANTIQUE les réseaux qui se tissent entre la poésie, le son et l’image à travers la performance.

À Pau, ACCÈs(s) invite dix-huit artistes dont quelques pionniers de la poésie-action.

Les performances, une trentaine en trois jours, se font sur le principe de la rencontre entre les personnalités invitées. Les collaborations et croisements (poésie, musique, danse, vidéo, net art) témoignent de l’énergie contagieuse des grands performeurs de la scène artistique internationale. Du 24 au 26 octobre, toute l’agglomération de Pau est au diapason de cette fête qui se déroule au théâtre Saragosse (Espaces Pluriels), à la chapelle des Réparatrices (Conservatoire Musique et Danse), et dans les médiathèques de l’agglomération de Pau (Réseau des Médiathèques de la CDA). Le Pôle Culturel Intercommunal est aménagé en lieu de travail pour les artistes.

À Bordeaux, PRÉSENCE CAPITALE invite dans le cadre de Novart huit artistes-musi-ciens de renommée internationale, venant des États-Unis, d’Allemagne et des Pays-Bas. Dans la continuité des soirées accès(s) à Pau, les soirées programmées par Yvan Étienne au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux présentent un large panorama de la création sonore actuelle inscrite dans l’épaisseur de son histoire. Pionniers de la musique électronique et jeunes musiciens/plasticiens sonores nous offrent deux nuits d’expérimentation, de perte de repères, de brouillage des sens et des consciences, de débordement et de poésie.

Nous vous invitons à circuler entre Pau et Bordeaux, à partager avec nous cette nouvelle aventure des arts transmédia en Aquitaine.

Eau et gaz à tous les étages - Accès(s) #07

Catalogue d’exposition, 2007

Fluide comme de l’eau, légère comme du gaz, elle traverse tout, elle imprègne tout. La poésie passe et n’appartient à personne. Improductive, immatérielle, invisible, elle offre une alternative à la loi du marché et à la société de l’image.

La poésie est le fil conducteur du festival accès (s) 07.

Cette septième édition est placée sous le signe de la parole et de la liberté. À l’ère des cultures électroniques, nous ressentons l’urgence du geste poétique, cet acte gratuit et décalé. Beaucoup d’artistes abordent ainsi les nouvelles technologies, sans illusion, avec l’énergie des grands vivants.

La fascination est révolue, nous cherchons dans l’océan électronique ce qui fait réellement culture.

Derrière le mirage, apparaissent ici et là de la joie, de la fantaisie, de la spiritualité. En d’autres fermes, la part manquante. Le souffle.

Le festival accès(s) 07 est un espace de circulation, une matière pour la parole, une parenthèse dans la course. Libre à chacun d’inventer son parcours, de naviguer dans le flux poétique des mots, des images, des sons et des couleurs.

Catalogue d'exposition du festival Accès(s) 2005. Commissariat d'exposition : Nicolas Charlet

Prière de toucher - Accès(s) #05

Catalogue d’exposition, 2005

accès(s), qui depuis six ans promeut les cultures électroniques sous toutes les formes de la création contempo-raine, met cette année l’accent sur la place de la sensibilité dans notre vie, aujourd’hui. Le développement rapide des nouvelles technologies a engendré de profondes mutations culturelles. Les ordinateurs ont transformé notre manière de vivre. Non seulement notre rapport au monde mais aussi au corps. Une fois dépassé le mythe moderne de la machine où le corps était appelé à devenir un super robot, nous voilà à l’ère post-moderne de l’intelligence artificielle au service du corps sensible. Les nouvelles technologies ne sont plus un idéal mais une norme, notre réalité quotidienne. Si l’on ne rêve plus de vivre dans l’espace en portant les uniformes de Star Trek, notre rêve éveillé est celui d’un monde incarné mais assisté par ordinateur. Par cultures électroniques, nous entendons une autre manière de voir, d’écouter, de goûter, de toucher, de sentir. L’année dernière, nous avons montré

les limites des plaisirs artificiels, l’espace de liberté que les artistes ont su conquérir face à la machine et à la société de consommation. Quittons à présent les plaisirs synthétiques pour des étreintes plus charnelles. Il ne s’agit plus de représenter la figure humaine sous forme de simulacre, mais d’investir un art – devenu empirique – par le corps du

« spect-acteur ».

Cette ligne éditoriale déclinée sur la période 2005-2006, ventilée en quatre temps forts, a pour vocation de faire redécouvrir au public la dimension historique, culturelle et politique de cette rencontre inédite de l’art et de la technolo-gie. Loin des clichés d’une boîte noire hermétique, froide et inhumaine, le matériau numérique réinvestit de toute part le champ du sensible.

Certaines installations atteignent des dimensions colossales propices à l’immersion et à la multisensorialité. Les oeuvres ne sont plus seulement à voir et à entendre mais à habiter.

Le processus prime sur l’objet et une relation d’interactivité s’instaure entre l’oeuvre et le public désormais indissociables.

Les cultures électroniques sont transversales : l’art est partout sans être clairement identifiable.

Prière de toucher questionnera la rencontre entre l’homme et l’espace électronique dans des disciplines aussi variées que les arts plastiques, la danse, la musique, la photographie, la vidéo et le cinéma. Ce projet, résolument sensible se déploiera à Pau et dans son agglomération, en collaboration avec de nombreux partenaires culturels.

Jean-Claude Van Blime

Catalogue d’exposition, 2003

Jean-Claude Van Blime aime la vie et ça se voit. Je devrais dire ça s’entend. Claudel évoquait à juste titre cet œil qui écoute, l’œil intérieur qui voit et rend visible la musique intérieure. L’œuvre de Jean-Claude Van Blime, une exploration picturale de la matière en gestation, puise sa force dans la vie en soi. La saturation d’énergie à chaque fois réitérée et la générosité du regard de l’artiste font littéralement rayonner ses peintures dans leur espace d’exposition. Les NATIONS UNIES et l’UNICEF ne s’y sont pas trompés. En collaborant avec Jean-Claude Van Blime, leur mission humanitaire s’enrichit d’une autre forme de don. Si toute œuvre d’art est une naissance, une mise au monde dans la joie et la douleur, le peintre de Honfleur en a fait son sujet.

Sa palette joue avec bonheur des accords de jaune et de rouge, de rouge et de bleu. Il affectionne les tons chauds et les compositions circulaires, signes de l’intériorité. Le poudroiement de la couleur, ses coulures en larmes de joie, sa vitalité tournoyante font vibrer cette matière primordiale, incandescente comme la peau d’une main sur le visage de l’être aimé. Douceur et chaleur, musicalité et volupté, le monde ainsi rêvé en éclaboussures, en traînées, en taches et en traces, n’est plus le chaos mais l’élan de la poésie. Une onde qui éclaire la rétine de l’aveugle et donne voix au cri. Ce langage d’amour, précédant la parole, telle la première caresse d’une mère à son enfant, est identique à la trace de vie dans le champ de bataille.

A l’égal du photographe, le peintre observe le magma de matières, de formes et de couleurs, dans la nature comme dans la ville, puis en extrait la substance musicale. L’instantané d’une vision donne chair au monde visible. Dès lors, il devient authentiquement ce monde au cœur battant, une palpitation fragile, une mélodie connaissant la souffrance, une musique aspirant au silence. En cela, l’importante mission, sur le territoire européen, confiée à Jean-Claude Van Blime par les héritiers du grand photographe américain Fred Stein, est pleinement signifiante. Comme en écho à l’œil du photographe disparu, l’œil pétillant de Jean-Claude Van Blime se souvient de la vie blessée, la vie foulée au pied, il n’en éclaire que plus le visage d’un homme à l’affût de chaque trace d’humanité.

Couleur visions

Catalogue d’exposition, 2003

Un fantôme dans la nuit…


«Moi qui contemple le ciel bleu, je ne suis pas en face de lui un sujet. acosmique, je ne le possède pas en pensée, je ne déploie pas au devant de lui une idée du bleu qui m’en donnerait le secret, je m’abandonne à lui, je m’enfonce dans ce mystère, il « se pense en moi », le suis le ciel même qui se rassemble, se recueille et se met à exister pour soi, ma conscience est engorgée par ce bleu illimité [.] Si je m’abandonne au bleu du ciel, je n’ai bientôt plus conscience de regarder er. au moment où je voulais me faire tout entier vision, le ciel cesse d’être une « perception visuelle » pour devenir mon monde du moment.»*

L’auteur de ces lignes, Maurice Merleau-Ponty, accorde à l’expérience perceptive une valeur absolue et refuse de donner à la science une dimension ontologique.
On le voit bien, la perception de la couleur n’est pas un sujet anecdotique, en elle se joue l’essentiel de la théorie de la connaissance.

D’un côté, le rationalisme, riche d’une longue tradition française, fait de la science le seul mode de connaissance authentique, lequel aboutit à une vision artistique objective : qu’elle soit idéaliste ou matérialiste. De l’autre, la phénoménologie ouvre la voie à une esthétique transcendantale de la vision. Quand je regarde la couleur, elle se voit en moi, elle m’habite. Matière indissociable de la forme, elle prend son autonomie à la lumière de la poésie. Sa vraie nature n’est pas artificielle, comme on le lui a souvent reproché. La couleur est le lieu d’un échange.
Elle habite le monde et le fait advenir comme chair dans sa résonance avec l’œil.
Comme le dit encore Merleau-Ponty, les couleurs ne sont pas couleurs de choses mais couleurs de monde, errant au cœur de toute existence. Ce sont les membrures du visible, moyens de communication entre phénomènes.

La couleur comme « être », rayons de monde dirait le philosophe, est le lien entre moi et les choses. Ce lien irréductible à la réflexion, met chaque être perceptif au cœur de la réalité. Le peintre le sait bien, lui dont l’œil écoute la mélodie chromatique des choses offertes à son regard. Le peintre scrute le réel non comme un entomologiste mais comme une éponge vivante. Il s’imprègne de la couleur incarnée et en restitue, à travers le geste, une parcelle de vérité.

Sa vision est toute subjective, elle se nourrit de l’imagination, elle reçoit autant qu’elle donne, elle se porte sur l’ombre et la lumière, le visible et l’invisible.
La couleur se décline au pluriel, elle se fait visions.

Peut-être est-ce le sens de cette exposition collective où sont réunies en un même lieu des visions singulières de la couleur ? A l’époque où les nouvelles technologies entrent dans la normalité de la vie quotidienne, l’esprit de la nébuleuse n’est plus anachronique. Réalité post-moderne, la nébuleuse est notre mode d’existence. La hiérarchisation des valeurs, la segmentation du réel et sa réduction mathématique, ont perdu leur éclat. Aujourd’hui, aucun savant, aucun peuple, n’est susceptible d’imposer sa vision du monde. Le monde existe à travers une extraordinaire compilation de visions qui font toute sa richesse.

Le bleu n’est pas tel qu’Yves Klein le concevait, le rouge n’est pas tel qu’Aubertin l’a imaginé, le bleu et le rouge sont devenus leur monde du moment comme ils peuvent l’être pour chaque personne douée de visibilité. Cela implique une participation du public de l’art au mystère de la création. Etre bleu, ou être rouge, c’est faire du retentissement sensible de la couleur en mon corps un mode de connaissance de la réalité. L’artiste en fait l’expérience puis en témoigne avec son propre langage.

Pour Bellegarde, la couleur de regard est l’espace multicolore de l’intériorité.
Un même lyrisme transparaît dans les sculptures de Weinhold où la forme se déploie tel un oiseau en plein élan. Ce mouvement de la vie, Amann en fait des milliers de Mondes qui voyagent pour nous dans une énergie fluorescente.
La musicalité de Bracaval a gardé le souvenir de l’art nègre et du cubisme tandis que Baudry, sensible à la rencontre du cercle et de la ligne, et Léonardi, proche d’un certain minimalisme, donnent une dimension spatiale à la symphonie des couleurs. Pancino use quant à lui de la couleur comme le moyen de révéler la poétique du support végétal, en principe une pomme de terre sur un morceau de bois. Viallat, enfin, n’en finit pas d’enchanter la matière banale des bâches de tente; son plaisir de la couleur est inépuisable.

La pluralité des expériences de la couleur doit permettre à chacun de se reconnaître. C’est là tout l’intérêt d’une exposition collective. L’éclatement des discours rend inopérante l’ambition universaliste dela pensée unique et donne à la sensibilité une portée ontologique. Ainsi vécue,la couleur est un espace de rencontre. L’artiste et avec lui, l’homme qui regarde, y erre comme un fantôme dans la nuit.